Dans un jugement récent, le Tribunal administratif de Toulouse apporte une réponse intéressante à l’épineuse question de l’égalité de traitement entre candidats à des contrats de la commande publique dans l’hypothèse où toutes les offres ne sont pas assujetties à la TVA.
Les acheteurs publics peuvent être confrontés à des situations problématiques lors de l’examen des offres financières de candidats à des appels d’offres : certains opérateurs économiques sont susceptibles en effet de bénéficier d’un taux réduit de TVA ou d’un régime exonératoire.
Cette situation crée un biais fiscal et une potentielle distorsion dans les prix selon la situation fiscale de chaque candidat. Les opérateurs concernés peuvent en effet proposer une offre mécaniquement plus compétitive que celles de leurs concurrents assujettis à un taux de 20%.
Pour y remédier, certains pouvoirs adjudicateurs pourraient faire le choix d’ajouter un taux de TVA de 20% aux offres des candidats non-assujettis : une telle pratique est à proscrire dans la mesure où elle reviendrait à modifier le prix proposé.
Une autre méthode consiste à ne comparer que les prix hors taxes des différents candidats.
Cette solution n’est pas recommandée par la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Economie : « lors de l’analyse des offres, les acheteurs publics doivent tenir compte du prix TTC tel qu’il est présenté par le candidat et tel qu’il devra être payé au candidat retenu. » (DAJ, fiche « L’examen des offres », avril 2019).
Pourtant, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que « la régularité d’une méthode de notation de prix de prestations s’apprécie sans considération de la situation particulière de chacune des entreprises candidates et ne saurait donc dépendre, notamment, de leur situation fiscale respective au regard de la taxe sur la valeur ajoutée » (CAA Bordeaux, 15 novembre 2016, Bordeaux métropole, n° 15BX00253).
Dans ce dossier, les documents du marché avaient expressément prévu que « le prix proposé devait être exprimé hors taxe par l’ensemble des candidats, sans distinction entre ceux qui étaient exonérés de TVA et les autres. »
Qu’en est-il dans le silence du marché ?
C’est à cette question que le jugement du Tribunal administratif de Toulouse (TA de Toulouse, 25 novembre 2021, n° 2000878) apporte d’utiles précisions.
Saisi dans le cadre d’un recours Tarn-et-Garonne par une entreprise évincée d’une procédure d’attribution d’un marché de services, le tribunal se trouvait confronté dans l’examen des d’offres au cas de prix hors taxes et de prix nets d’impôt des candidats. L’offre de la société attributaire avait obtenu la note maximale sur le fondement de son prix hors taxes ; le concurrent évincé qui n’était pas assujetti à la TVA s’estimait lésé par ce choix.
Or, les documents du marché étaient silencieux concernant la méthode d’analyse des offres.
Le Tribunal administratif de Toulouse rappelle avant tout qu’ « aucun principe ni aucun texte ne lui imposent d’informer en outre les candidats de la méthode de notation envisagée pour évaluer les offres au regard des critères de sélection ». Il précise par ailleurs que la méthode de notation choisie « a permis d’attribuer la meilleure note au prix le plus bas, sur la base de la comparaison des prix hors taxes proposés par les candidats assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et des prix nets d’impôt des candidats qui n’y sont pas assujettis. La régularité d’une méthode de notation de prix de prestations s’apprécie, en effet, sans considération de la situation particulière de chacune des entreprises candidates et ne saurait donc dépendre, notamment, de leur situation fiscale respective au regard de la taxe sur la valeur ajoutée »
Autrement dit, l’acheteur public peut même dans le silence des documents du marché comparer le prix net au prix hors taxes des offres soumises.
A cet égard, il faut noter que le droit de la commande publique a fait l’objet d’une refonte sous l’influence du droit de l’Union Européenne. La notion de prix est évoquée « hors taxes » en la matière, l’exemple le plus marquant étant celui de la fixation des seuils de procédures. La valeur estimée du besoin est également calculée sur le fondement du « montant total hors taxe du ou des marchés publics envisagés » (Article R2121-1 du Code de la commande publique).
Référence : TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE TOULOUSE, 25 novembre 2021, n° 2000878