Cour de cassation, Civ 3ème, 6 avril 2022, 21-12.893 – Analyse de notre associé Ludovic CUZZI

Le délai de trois mois laissé à l’intimé en matière d’expropriation pour produire ses conclusions ne s’applique pas en cas de reprise d’instance

En matière d’expropriation, l’article R.311-26 du code de l’expropriation impose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, que l’intimé dépose les conclusions dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. Dans une décision récente publiée au bulletin, la Cour de cassation précise que ce délai ne s’applique pas aux conclusions devant la cour d’appel de renvoi après cassation.

Référence :

Cour de cassation, Civ 3ème, 6 avril 2022, 21-12.893, Publié au bulletin

 

Eléments de contexte

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait été saisie sur renvoi après cassation (Civ. 3e, 14 févr. 2019, n° 17-27.273, n°17-31.142) afin de fixer l’indemnité d’éviction à un sous-locataire dans le cadre d’une procédure d’expropriation.

L’autorité expropriante avait notifié ses conclusions d’intimée plus de 6 mois après la reprise d’instance.

Pour mémoire, l’article R.311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dispose :

« A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. »

 

Dans sa décision du 5 novembre 2020, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a fait application de cette disposition. Elle a constaté que le mémoire de l’intimée avait été déposé plus de trois mois après la notification du mémoire de l’appelant en reprise d’instance. Pour ce motif, elle a déclaré irrecevable les conclusions de l’intimée considérées comme tardives.

L’expropriante a contesté ce raisonnement et formé dès lors un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation a été amenée à préciser le champ d’application de l’article R.311-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans le cas d’une reprise d’instance.

 

La décision de la Cour de cassation

Dans sa décision du 6 avril 2022, la Cour de cassation note que l’article 631 du code de procédure civile dispose :

« devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation ».

La Haute juridiction en déduit que :

« Les dispositions de l’article R. 311-26 précité ne s’appliquent pas aux conclusions devant la cour d’appel de renvoi et que l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation ».

La Cour de cassation confirme ainsi que les dispositions de l’article R. 311-26 du code de l’expropriation ne s’appliquent qu’à la procédure d’appel de droit commun et non à celle de renvoi après cassation.

La reprise d’instance a en effet pour objet d’assurer la poursuite de la procédure antérieure. La notification du mémoire en reprise d’instance ne fait dès lors pas courir le délai de trois mois de l’article R. 311-26 précité.

 

Confirmation de la jurisprudence antérieure

La Cour de cassation confirme ainsi sa jurisprudence antérieure développée sous l’empire de l’ancien code de l’expropriation.

« Les dispositions de l’article R. 13-49 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ne sont pas applicables à la procédure suivie devant la cour d’appel saisie sur renvoi après cassation » (Civ. 3ème,10 février 2010, n°08-22.116 ; Civ 3ème, 25 septembre 2013, n°12-22.079).

 

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