En droit de la commande publique, le règlement de consultation est obligatoire dans toutes ses mentions ; un principe qui ne comporte que deux exceptions (CE, 20 juillet 2022, commune du Lavandou, n°458427) – Analyse de notre associé Serge PUGEAULT

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt Commune du Lavandou du 20 juillet 2022, (n° 458427), réaffirme la force obligatoire du règlement de consultation d’un contrat de concession (ici, plus précisément, une sous-concession de plage) et les deux seuls cas dans lesquels l’autorité concédante peut ne pas tenir compte d’un manquement à ce règlement.

Sur ces deux points, l’arrêt n’innove pas ; son intérêt tient cependant à ce que des solutions déjà admises antérieurement sont ici formulées sous la forme d’un considérant de principe.

 

Le Conseil d’Etat a toujours fait une application rigoureuse du régime juridique des irrégularités des offres au regard du règlement de consultation.

Il a eu ainsi l’occasion d’affirmer que le règlement de la consultation est obligatoire dans toutes ses mentions (CE, 25 novembre 2005, Société Axialogic, n°267494) et que les offres qui ne comportent pas toutes les pièces et renseignements requis par les documents de la consultation sont des offres irrégulières, qui doivent être éliminées (CE, 12 janvier 2012, Département du Doubs, n°343324).

Le caractère obligatoire du règlement de consultation, qui vaut tant pour les marchés publics que pour les contrats de concession, a pour double objet de garantir l’égalité de traitement entre les candidats et, selon les termes de Monsieur Pellissier, de s’assurer que « l’offre répond aux attentes de l’acheteur » (M. Gilles Pellissier conclusions sous CE, 20 septembre 2019, Collectivité territoriale de la Corse, n°421075).

 

La Conseil d’Etat a toutefois admis une première exception au principe du caractère obligatoire du règlement de consultation  « dans le cas exceptionnel où il s’agit de  rectifier une erreur purement matérielle, d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de  bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue » (CE, 21 septembre 2011, Département des Hauts de Seine,  n° 349149 ; CE, 16 janvier 2012, Département de l’Essonne, n° 353629).

Il a ensuite, plus récemment, précisé que si, en principe, une autorité concédante ne peut attribuer le contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par le règlement de consultation, il en va différemment lorsque « cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres » (CE, 22 mai 2019, société Corsica Ferries, n°426763).

Il a réaffirmé le principe et ces deux exceptions dans l’arrêt Commune de Ramatuelle du 28 mars 2022, n°454341.

 

L’arrêt Commune de Lavandou du 20 juillet 2022 reprend ces solutions, mais en les formulant cette fois sous la forme d’un considérant de principe (cons 2) :

Le règlement de la consultation prévu par une autorité délégante pour la passation d’une délégation de service public est obligatoire dans toutes ses mentions. L’autorité délégante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres ou si la méconnaissance de cette exigence résulte d’une erreur purement matérielle d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue.

 

En l’espèce, la cour administrative de Marseille avait relevé que si le projet de sous-traité soumis à la commune par le candidat ne comportait ni son nom, ni le montant de la redevance qu’il proposait, il ne pouvait s’agit d’irrégularités de nature à écarter sa candidature dès lors que l’identité du candidat ressortait de la lettre de présentation de la candidature et que le montant de la redevance était énoncé dans une fiche distincte.

La Cour avait expressément fondé sa décision sur le principe selon lequel la méconnaissance des exigences du règlement de consultation peut être écartée dès lors que celles-ci sont « manifestement inutiles à l’appréciation de l’offre et à sa comparaison avec les offres des autres candidats » (CAA Marseille, 13 septembre 2021, Commune du Lavandou, n°18MA05351).

L’arrêt de la Cour d’appel est annulé sur ce point par le Conseil d’Etat pour erreur de droit ; il fait grief à la Cour d’avoir considéré que « les informations manquantes pouvaient être déduites d’autres pièces produites par le candidat » alors que, précise le Conseil « il lui incombait de rechercher si ces exigences étaient manifestement dépourvues de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres ou si leur méconnaissance résultait d’une erreur purement matérielle ».

Le Conseil se livre lui-même à cet examen. Il considère que les informations manquantes « étaient nécessaires à l’autorité délégante pour s’assurer de l’identité de la personne avec laquelle elle contracterait, et ne peuvent, dès lors, être regardées comme ayant été manifestement inutiles », et que par ailleurs « l’omission en cause ne saurait être regardée comme une erreur purement matérielle, aucune des informations relatives à l’identité du titulaire de la concession n’ayant été renseignée dans le projet de contrat ». Aucune des deux exceptions admises au caractère obligatoire du règlement de consultation n’était donc ici invocable.

Outre son intérêt au regard de la formulation de son considérant de principe, cet arrêt illustre la rigueur avec laquelle le Conseil d’Etat apprécie l’existence des seules exceptions qu’il admet au caractère impératif du règlement de consultation.

 

Serge PUGEAULT