L’attribution de la NBI est-elle subordonnée à l’exercice des fonctions à titre principal ?

Analyse de notre associé Ludovic Cuzzi

Référence : CAA Lyon, 19 avril 2022, Commune d’Annemasse, n° 20LY00634

 

1. Eléments de cadrage

Dans la fonction publique territoriale, l’attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) est régie notamment par les dispositions du décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006. Le texte définit, en annexe, un certain nombre de fonctions qui permettent l’attribution de points de NBI.

 

Selon la jurisprudence constante du Conseil d’Etat « le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire ne constitue pas un avantage statutaire et n’est lié ni au cadre d’emplois, ni au grade mais dépend seulement de l’exercice effectif des fonctions qui y ouvrent droit » (CE, 24 mars 2004, n°252830 ; 2 mai 2012, n° 347127). Dès lors, les fonctionnaires en position de congé de longue durée (CE, 6 novembre 2002, 223041) ne peuvent pas en bénéficier. De la même façon, les titulaires d’une décharge totale d’activité pour exercice d’un mandat syndical ne remplissent pas la condition d’exercice effectif des fonctions (CE, 27 juillet 2005, n° 255395, mentionné aux tables).

 

2. Le bénéfice de la NBI est-il subordonné à l’exercice des fonctions à titre principal ?

 

Dans un considérant qui se veut de principe, la CAA de Lyon lie l’exercice effectif des fonctions au fait que celles-ci soient exercées « à titre principal » :

 

« La nouvelle bonification indiciaire ne constitue pas un avantage statutaire et son attribution n’est liée ni au cadre d’emplois, ni au grade d’un agent mais dépend seulement de l’exercice effectif des fonctions qui y ouvrent droit, ce qui implique que ces fonctions soient exercées à titre principal ».

 

Cette interprétation des dispositions en cause ne va nécessairement de soi.

 

Lorsque le bénéfice de la NBI est subordonné à l’exercice à titre exclusif ou principal des fonctions, l’annexe du décret du 3 juillet 2006 le prévoit expressément. Dans les autres cas, le texte est silencieux.

 

En attribuant 10 points de NBI à « la distribution itinérante d’ouvrages culturels », ce qui vise avant tout les fonctions de chauffeur de bibliobus, il n’est pas sûr que le pouvoir réglementaire ait souhaité subordonner le bénéfice de cette bonification au fait que cette activité soit exercée à titre principal par l’agent. La même remarque vaut pour les fonctions de « maître d’apprentissage » qui permettent d’obtenir 20 points de NBI. Le sujet pour un maître d’apprentissage, qui est pris par ses autres fonctions, est plutôt de dégager sur son temps de travail suffisamment de disponibilités pour assurer l’accompagnement de l’apprenti.

 

En s’éloignant de l’interprétation littérale des dispositions en cause, la CAA de Lyon a sans doute été sensible à des considérations budgétaires. La solution dégagée par la Cour présente, en effet, l’avantage d’être la moins onéreuse pour les finances publiques.

 

Elle peut également s’appuyer sur un précédent jurisprudentiel.

 

Dans le cadre de l’application du décret du 5 février 1997 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique hospitalière, le Conseil d’Etat a adopté une position proche (CE, 26 juillet 2018, n°41340, Centre Hospitalier de Châteauroux, mentionné aux tables concl. Polge). Dans le dossier Centre Hospitalier de Châteauroux, le Conseil d’Etat a toutefois privilégié une approche plus prudente limitée aux faits de l’espèce.

 

3. Comment savoir si un agent exerce ses fonctions à titre principal ?

 

Selon le Conseil d’Etat, un agent qui exerce des fonctions « à titre principal » doit y consacrer plus de la moitié de son temps de travail total (CE, 4 juin 2007, Commune de Carrières-sur-Seine, n° 284380)

 

Dès lors, pour les fonctions précisées en annexe du décret du 3 juillet 2006 précité, l’employeur devrait vérifier, au cas par cas, si l’activité de l’agent occupe plus de la moitié de de son temps et dans l’affirmative lui attribuer la NBI prévue à cet effet.

 

Dans la pratique, un tel décompte pourrait être source de différend entre la collectivité et le fonctionnaire notamment dans les cas où celui-ci consacre une part significative mais non prépondérante de son temps de travail (35%, 40%) à des fonctions donnant droit à perception de la NBI.