CCAG Travaux 2021 : Réflexions autour du nouveau régime des ordres de service notifiant des travaux supplémentaires

CCAG Travaux 2021 : Réflexions autour du nouveau régime des ordres de service notifiant des travaux supplémentaires

L’article 13 du nouveau CCAG Travaux ("modalités de fixation des prix des prestations supplémentaires ou modificatives") correspond à l’article 14 du précédent CCAG ("règlement du prix des prestations supplémentaires ou modificatives").

On y relève deux évolutions majeures : l’obligation de valorisation financière des OS notifiant des prestations supplémentaires ou modificatives (ou ci-après, plus simplement : des travaux supplémentaires) et la nécessité d’un accord préalable du maître d’ouvrage.

1) Sur l’obligation de valorisation financière des OS notifiant des travaux supplémentaires

Aux termes de l’article 13.4 du nouveau CCAG Travaux, l'OS notifiant des travaux supplémentaires "fixe provisoirement les prix nouveaux retenus pour le règlement" de ces travaux. Et l’article 13.6 précise que "le titulaire n'est pas tenu de se conformer à [l’] ordre de service (...) lorsque cet ordre de service n'a fait l'objet d'aucune valorisation financière".

La nouveauté réside plus dans la consécration d’un droit à l’inexécution de l’OS n’ayant fait l’objet d’aucune valorisation financière, que dans celle d’une obligation de valorisation financière de l’OS.

En effet, l’obligation de valorisation financière se déduisait déjà de l’article 14.4 du précédent CCAG Travaux (avec il est vrai la possibilité d’un décalage de 15 jours entre l’OS notifiant les travaux supplémentaires et celui notifiant les prix provisoires, décalage qui n’est désormais plus permis), mais rien n’était prévu pour sanctionner sa méconnaissance, assez habituelle en pratique.

Sauf peut-être à se demander si des prix provisoires manifestement sous-évalués au regard de l’objectif de juste rémunération pourront s’analyser comme une absence de valorisation financière, l’application de ce nouveau dispositif ne devrait guère poser de difficulté particulière lorsque les travaux prescrits correspondent à des compléments ou modifications apportés au programme, au projet ou aux dispositions techniques prévues par le marché, qui sont voulus par le maître d’ouvrage afin d'adapter l'ouvrage à son besoin qui peut évoluer (et non subis en raison d’une nécessité technique).

En effet, dans cette hypothèse, la qualification de travaux supplémentaires, ouvrant donc droit à l’application de prix nouveaux, n’est pas discutable - étant rappelé que les travaux supplémentaires qui ne répondent à aucune nécessité technique pour l’achèvement de l’ouvrage dans les règles de l’art n’ouvrent droit à paiement que s’ils ont été valablement ordonnés à l’entreprise (travaux supplémentaires dits "utiles", par opposition à "indispensables").

Mais tous les travaux notifiés par OS ne sont pas voulus par le maître d’ouvrage.

Il peut aussi s’agir de travaux qui, pour des raisons essentiellement techniques, s’avèrent en cours de chantier indispensables à l’achèvement de l’ouvrage commandé dans les règles de l’art. Si le droit à paiement des travaux supplémentaires indispensables n’est pas subordonné à un OS, cela n’exclut pas qu’en pratique, ceux-ci donnent souvent lieu à un OS, que l’entreprise a d’ailleurs tout intérêt à demander en temps utile le cas échéant.

Or, s’agissant de travaux indispensables, la qualification de travaux supplémentaires est souvent assez délicate et source de désaccords, en particulier dans les marchés à forfait ou comprenant des prix forfaitaires.

Effectivement, le propre des travaux qui entrent dans les prévisions contractuelles étant d’être indispensables à l’achèvement de l’ouvrage dans les règles de l’art, ce n’est que par exception que les travaux indispensables pourront être considérés comme n’entrant pas dans les prévisions contractuelles et ainsi répondre à la qualification de travaux supplémentaires.

Il en découle, sous l'empire de l'article 13 du nouveau CCAG Travaux, un risque de blocage lorsque le maître d’œuvre notifie des travaux indispensables sans valorisation financière parce qu’il considère que lesdits travaux entrent dans les prévisions initiales du marché, et que l’entreprise, dont la vision est souvent très différente sur ce point, estime qu’il s’agit de travaux supplémentaires.

Une telle situation peut déboucher sur un bras de fer préjudiciable à la bonne marche du chantier : d’un côté, l’entreprise menaçant de ne pas exécuter l'OS au motif qu'il doit être valorisé, de l’autre, le maître d’ouvrage menaçant de sanctionner l’entreprise si elle n'exécute pas l'OS, sans qu’aucun des deux ne puisse être véritablement certain du bien-fondé de sa position.

2) Sur la nécessité d’un accord préalable du maître d’ouvrage

L’article 13.4 du nouveau CCAG Travaux précise également que les prix provisoires des travaux supplémentaires notifiés par OS "sont arrêtés par le maître d'œuvre avec l'accord du maître d'ouvrage", ce qui nous semble devoir être interprété comme obligeant le maître d’œuvre, dès l'émission de l'OS, à justifier auprès de l’entreprise de l’accord du maître d’ouvrage sur l’engagement de la dépense supplémentaire correspondante.

En ce sens également, les OS notifiant des travaux supplémentaires entrent vraisemblablement dans la catégorie plus générale des « ordres de service émis par le maître d'œuvre entraînant une modification des conditions d'exécution du marché, notamment en termes de délai d'exécution, de durée et de montants », et qui doivent à ce titre faire "l’objet d’une validation préalable du maître d’ouvrage" (art. 3.8.1)

C’est une précision heureuse, car l’habilitation du maître d’œuvre à prescrire seul l’exécution de travaux supplémentaires (du moins non indispensables), et donc à modifier le marché, peut s’apparenter à un mandat dont la légalité est discutable au regard de l’incompatibilité édictée par la loi entre les fonctions de mandataire et celles de maitre d’œuvre, que l’on retrouve aujourd’hui à l’article L. 2422-11 du code de la commande publique.

A notre avis et sous réserve de l’appréciation souveraine des juridictions, il s’en déduit implicitement mais nécessairement que l’entreprise peut (doit) suspendre l’exécution de l’OS si le maître d’œuvre ne justifie pas de l’accord du maître d’ouvrage sur les prix provisoires, jusqu’à l’obtention de cet accord. A défaut, l'entreprise s’expose à un refus de paiement du maître d’ouvrage qui, sauf à ce qu’il s’agisse de travaux supplémentaires indispensables, pourrait être considéré comme étant fondé en droit.

Tony JANVIER

 

 




Arnaud MOUSSARIE

Deputy Director of PMO / Directeur Opérationnel chez ILE-DE-FRANCE CONSTRUCTION DURABLE

2y

Les seuls pouvoirs dont dispose le MOE sont ceux que le pouvoir adjudicateur veut bien lui concéder par délégation, en fonction de ce qui est prévu notamment au contrat de MOe et notamment en matière d’émission d’OS. L’évolution rédactionnelle confirme ce point.

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Jean-Paul MONTSENY

Responsable Juridique, Docteur en droit public. Droit Public et Privé des Affaires / NTIC / RGPD / RSE / Environnement.

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