Litiges relatifs à la responsabilité des constructeurs : pourquoi l’intervention volontaire des assureurs devrait être admise
Le Conseil d'Etat refusait jusqu'à présent d’admettre l’intervention de l’assureur d’un constructeur dans un litige mettant en cause la responsabilité de son assuré. Mais sa position pourrait bien évoluer, selon Tony Janvier, avocat au cabinet Karila.
Point de vue de Tony Janvier, avocat à la Cour, Karila Société d'avocats
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Point de vue de Tony Janvier, avocat à la Cour, Karila Société d'avocats
L’intervention volontaire est le fait pour une personne, qui n’a pas la qualité de partie à l’instance, de produire un mémoire pour soutenir les conclusions du demandeur ou du défendeur (article R. 632-1 du Code de justice administrative). Il ne s’agit donc pas pour l’intervenant de présenter des conclusions propres, mais de préciser et/ou complémenter l’argumentation en fait et en droit de la partie au soutien de laquelle il entend intervenir.
Or jusqu'en 2013, l'intervention volontaire était subordonnée à la justification d’un droit propre en matière de plein contentieux. Selon une jurisprudence initiée par le Conseil d’Etat en effet (CE, sect., 15 juillet 1957, Lebon 499), la recevabilité de l’intervention volontaire était, schématiquement, appréciée différemment selon la nature du litige :
- en matière d’excès de pouvoir (procès fait à un acte), l’intervenant devait simplement justifier d’un intérêt à l’annulation ou au maintien de l’acte attaqué ;
- tandis qu’en matière de plein contentieux (procès mettant en cause des droits subjectifs, par exemple un droit à des dommages et intérêts), l’intervenant devait justifier non pas d’un simple intérêt, mais d’un droit propre auquel la décision du juge était susceptible de préjudicier.
Dans ce cadre, le Conseil d’Etat a toujours refusé d’admettre l’intervention de l’assureur d’un constructeur dans un litige (de plein contentieux) mettant en cause la responsabilité de son assuré, au motif qu’un tel litige demeurait selon lui sans incidence sur ses droits et obligations au titre du contrat d’assurance (voir en dernier lieu : CE, 18 novembre 2011, n° 346257).
Revirement en 2013 : la consécration de l’intérêt suffisant comme critère unique
Mais dans un arrêt de section rendu en 2013 (CE, sect., 25 juillet 2013, n° 350661), le Conseil d’Etat a renoncé à la distinction précitée et fait de l’existence d’un « intérêt suffisant eu égard à la nature et à l’objet du litige », le critère unique de la recevabilité de l’intervention volontaire, que l’on soit en matière d’excès de pouvoir ou de plein contentieux.
Même si l’existence d’un intérêt suffisant sera toujours plus largement reconnue en matière d’excès de pouvoir, la Haute juridiction a donc sensiblement desserré l’étau s’agissant du plein contentieux.
En ce sens, il est désormais jugé, notamment, que l’intervention dans un contentieux indemnitaire est recevable, dès lors seulement que l’issue de ce contentieux est susceptible de léser de façon suffisamment directe les intérêts de l’intervenant (CE, 30 mars 2015, n° 375144). Cette nouvelle donne devrait, par voie de conséquence, conduire le Conseil d’Etat à reconsidérer sa position en ce qui concerne l’intervention des assureurs au soutien de leurs assurés dont la responsabilité est mise en cause.
En attendant, à supposer même que l’existence d’un intérêt suffisant puisse se discuter en ce qui les concerne, on ne peut que s’étonner que des juges du fond continuent à inscrire leurs décisions dans l’ancien cadre jurisprudentiel, en rejetant l’intervention volontaire des assureurs au motif, erroné en droit, qu’ils ne peuvent se prévaloir d’un « droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier » (voir CAA Marseille, 19 octobre 2016, n° 15MA0322 ; CAA Lyon, 12 février 2015, n° 13LY02646). Il faudra donc que le Conseil d'Etat ait à se prononcer pour vérifier l'évolution probable de la jurisprudence sur l'intervention volontaire des assureurs de la construction.
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