Ajournement des travaux : la juste indemnisation de l’entrepreneur
Garde du chantier, immobilisation du personnel et du matériel, perte de matériaux… les frais que le maître d’ouvrage doit assumer sont nombreux.
Par Tony Janvier, avocat à la Cour
Le régime juridique de l’ajournement des travaux dans le cadre d’un marché public est prévu par l’
« L’ajournement des travaux peut être décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur.
Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l’article 12, à la constatation des ouvrages et parties d’ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés.
Le titulaire, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu’il aura éventuellement subi du fait de l’ajournement.
Une indemnité d’attente de reprise des travaux peut être fixée suivant les modalités prévues aux articles 14.3. et 14.4. »
La notion d’ajournement est entendue strictement
Il n’y a ajournement, au sens de l’article 49.1.1 précité du CCAG travaux, que si le maître d’ouvrage décide formellement de différer le début des travaux ou d’en suspendre l’exécution.
Ces stipulations ne trouvent donc pas à s’appliquer en cas de simple décision de prolongation du délai d’exécution des travaux tirant les conséquences d’un retard (
Le maître d’ouvrage est de plein droit responsable des conséquences de l’ajournement
Selon le juge administratif, il résulte de l’
Les raisons pour lesquelles le maître d’ouvrage a été amené à prendre cette décision (par exemple, faute d’un autre intervenant ou fait du tiers) importent peu. Il n’y a que si l’ajournement est la conséquence d’une faute de l’entrepreneur lui-même que le maître d’ouvrage peut échapper à sa responsabilité (
L’importance du constat contradictoire
A moins que les travaux n’aient pas encore débuté et qu’il ne s’agisse que d’en différer le commencement (
Si l’entrepreneur n’est pas rapidement convoqué à des opérations de constatations contradictoires, il lui appartient, en vue de sauvegarder ses droits, d’en faire la demande conformément aux stipulations des articles 12.4 et le cas échéant 12.6 du CCAG travaux. A défaut, il s’expose au risque de ne pas pouvoir justifier devant le juge tout ou partie de son préjudice (
S’il n’est donné aucune suite à sa demande de procéder au constat contradictoire, l’entrepreneur a alors tout intérêt à recourir aux services d’un huissier de justice. Dans ce cas, c’est le maître d’ouvrage qui, pour avoir privé l’entrepreneur d’un moyen de preuve de son préjudice, s’expose au risque de ne pas être entendu par le juge s’il conteste les justifications produites (
Les chefs de préjudice indemnisables
Seuls les chefs de préjudices dont l’entrepreneur établit la réalité (
- de coûts liés aux mesures conservatoires nécessaires pour protéger les travaux exécutés, ainsi que des frais de garde du chantier (palissade, gardiennage…) (
- de coûts liés aux matériaux et consommables qui ont été approvisionnés sur le chantier, et qui du reste ne sont pas forcément réutilisables (stockage, transport sur un autre chantier, perte, revente avec perte…) (
- de coûts liés aux personnels (
- de coûts liés aux variations économiques durant l’interruption, justifiant l’actualisation des prix (
- de frais financiers supplémentaires (frais de découvert bancaire, extension des frais de caution et d’assurance, etc.) (
- de la non-couverture des frais généraux (
Sauvegarder ses droits en cas d’indemnité d’attente
En cas d’ajournement, le maître d’œuvre peut notifier à l’entrepreneur, par voie d’ordre de service, une indemnité d’attente suivant les modalités des articles 14.3 et 14.4 du CCAG travaux. Si l’entrepreneur doit être consulté sur le montant de cette indemnité, son accord n’est pas requis.
Ce dernier a ensuite trente jours pour présenter ses observations au maître d’œuvre (
A défaut, il est réputé avoir définitivement accepté l’indemnité d’attente fixée par le maître d’œuvre et renoncé à toute indemnisation complémentaire au titre de l’ajournement.
Ce qu'il faut retenirL’
article 49.1.1 du CCAG travaux prévoit la marche à suivre en cas d’ajournement des travaux décidé par le maître d’ouvrage public.Ce dernier est responsable de plein droit du préjudice subi par l’entrepreneur. A moins que l’ajournement ne soit la conséquence d’une faute de l’entrepreneur lui-même…
Une formalité essentielle doit être accomplie une fois l’ajournement prononcé : il s’agit du constat contradictoire des ouvrages exécutés, des matériaux approvisionnés et des matériels et personnels présents sur le chantier.Si les chefs de préjudice indemnisables sont divers et variés, il appartient à l’entrepreneur d’en établir la réalité et le quantum, ainsi que le lien de causalité avec l’ajournement. En cas de notification d’une indemnité d’attente par voie d’ordre de service, l’entrepreneur a trente jours pour contester son montant dans les conditions de l’
article 14.5 du CCAG travaux , sous peine de forclusion.
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