L’exigibilité d’un avis de l’Architecte des Bâtiments de France empêche l’obtention d’un permis de construire tacite

Le cabinet Parme Avocats a obtenu récemment une décision de confirmation d’un refus de permis de construire pour la commune d’Ajaccio, s’agissant d’un projet, composé de trois immeubles collectifs d’habitation surplombant la commune, et faisant l’objet d’une opposition tant de la ville que du Ministère de la Culture en raison de son impact paysager ainsi que sur deux monuments historiques (la clinique du Grand’Val et le Grand-hôtel de Région).

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu le 9 avril 2024 un arrêt (n°23MA00874) annulant un jugement défavorable prononcé par Tribunal administratif de Bastia. 

En effet, en première instance, le tribunal avait annulé le refus de permis de construire opposé en considérant qu’un avis de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) n’était pas nécessaire en l’occurrence (la covisibilité du projet avec deux monuments historiques n’ayant pas été établie selon lui), de sorte qu’un permis de construire tacite avait été délivré.

Cette question revêtait une portée particulière dans ce dossier, dans la mesure où une erreur avait été commise par le service instructeur s’agissant de la notification du délai d’instruction de la demande, de sorte que le refus opposé avait été émis tardivement. Le tribunal en avait déduit que le refus de permis de construire devait être considéré comme opérant le retrait d’un permis de construire tacitement acquis, et non comme un simple refus, de sorte qu’une procédure de contradictoire aurait dû être mise en place, eu égard aux dispositions du CRPA (codes des relations entre le public et l’administration).

Un appel a été formé par nos soins, et il a été jugé par la Cour administrative d’appel de Marseille non seulement que le projet était bien soumis à l’exigence d’un avis de l’ABF du fait de la covisibilité du projet avec deux monuments historiques protégés depuis des points tiers (une plage et un complexe sportif), de sorte qu’aucun permis de construire tacite ne pouvait avoir été obtenu par la pétitionnaire, mais encore que l’avis défavorable émis par l’ABF n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation, et enfin que c’est à bon droit que le PLU (Plan Local d’Urbanisme) de la commune avait classé le terrain d’assiette du projet comme un élément de paysage à protéger au titre de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme.

La cour a donc censuré le jugement du tribunal et finalement rejeté la requête tendant à l’annulation du refus de permis de construire opposé, dès lors que celui-ci était bien justifié.

Cette décision illustre l’appréciation in concreto du juge administratif en matière de covisibilité d’un projet avec un monument historique, et l’importance des éléments de preuve à lui apporter lorsque cette question fait débat ; elle rappelle par ailleurs la nécessité pour les services instructeurs de vérifier et respecter les délais d’instruction de chaque demande de permis de construire.